Des souvenirs marquants...
Dans mon enfance, deux événements m'ont marquée par leur caractère dramatique et exceptionnel.
J'avais 11 ans, nous habitions près d'Alès, mon cousin de 17 ans et sa sœur âgée de 15 ans étaient venus passer des vacances à la maison,
Le 7 septembre 1957, ils décident de rentrer chez eux à Marignane, par le train au départ d'Alès.
Ce jour là, l'express descendant sur Nîmes aurait dû ralentir à 30 km/h pour passer une voie unique temporaire à hauteur de Nozières-Brignon mais, pour une raison inconnue, le conducteur n'a pas ralenti et vers 12h30 le train a déraillé faisant une trentaine de morts et de très nombreux blessés . Seul, le dernier wagon était resté debout sur les rails et ne comptabilisait pas de victimes,
Les pompiers de Nîmes, alertés, arrivent pour les premiers secours, le plan ORSEC est déclenché, 5 médecins sont sur les lieux et certains blessés sont évacués par camionnettes et voitures sur Alès et Nîmes,
Les voyageurs indemnes sont rapatriés par car dans l'après-midi, une salle de la mairie de Boucoiran est transformée en chapelle ardente, Parmi les victimes : le mari d'une future collègue de travail que je ne connaîtrai qu'en 1970 et qui se retrouve veuve avec 2 fillettes de 2 et 4 ans,
A cette époque, pas de télé, pas d'internet, pas de téléphone , nous n'apprenons l'événement par la radio que dans la soirée sans connaître le sort de mes cousins,
Mon père est rentré du travail en fin d'après-midi et nous lui apprenons que mes cousins étaient dans ce train ! Il se rend aussitôt avec sa vieille Juva 4 sur les lieux de l'accident, à une vingtaine de kilomètres de chez nous,
Toute la nuit, il s'est joint aux sauveteurs pour faire les recherches, aider les secours, identifier les victimes, essayer de connaître le sort de mes cousins, en vain,
A la maison, sans nouvelles, nous avons passé la nuit blanche ; maman pleurait beaucoup en culpabilisant de les avoir laissé partir ce jour là.
En fait, mes cousins étaient sains et saufs, ma cousine ayant convaincu son frère de monter dans le dernier wagon car il y avait un groupe de jeunes et une bonne ambiance ! Ils avaient été rapatriés chez eux en bus mais n'avaient pas eu de moyens pour nous prévenir et pensaient nous rassurer une fois rentrés ; leur famille n'était pas inquiète non plus car ils ne savaient pas la date exacte de leur retour,
Voilà, ce fut un grand soulagement pour nous mais ce drame est resté longtemps dans les mémoires et mes cousins en ont été marqués pour la vie.
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L'année suivante, fin septembre 1958, j'avais donc 12 ans, nous habitions sur les hauteurs d'un village traversé par le Gardon,
Depuis deux jours, une pluie incessante, de gros nuages noirs très bas filaient vers les Cévennes et le Gardon grossissait à vue d'oeil ; en quelques heures il est passé de 50 cm à 5,50 m.
Avec une copine nous regardions cela sans se douter du drame qui se préparait. Comme une boutade, elle me dit « S'il pouvait y avoir des inondations, demain nous n'irions pas à l'école !»
Hélas, cela s'est réalisé de façon tragique : une inondation faisant 36 morts fut la plus meurtrière du 20ème siècle...
A cette période il n'y avait pas de barrages pour la retenue des eaux en amont .Résultat, tout fut dévasté, la puissance de l'eau est infinie, on l'a vu encore récemment dans la vallée de la Roya,
A Alès et dans les environs, non seulement tout a été inondé mais 5 ponts de la ville ont été emportés ainsi que d'autres à Ners, St-Jean-du-Gard etc... Seul le Pont Vieux, le plus ancien qui, malgré son grand âge (et il est toujours là) a résisté,
De ma maison, sur les hauteurs du village, on voyait ces remous énormes, les arbres emportés comme des fétus de paille et soudain des cris au loin : « Au secours ! Au secours ! », une maman et ses 2 enfants, en position critique, demandaient de l'aide. Des hommes se sont encordés et sont allés les récupérer avant que la maison, en bord du Gardon, ne soit engloutie par les flots impétueux...Ouf, ils étaient saufs !
Mon père était artisan menuisier et on est venu le solliciter pour faire 3 cercueils. Dans le village, deux personnes avaient été emportées en voulant récupérer leurs animaux (poules, canards, lapins) dans leur jardin près de la rivière ; une autre personne s'est noyée en portant secours à quelqu'un.
Je me souviens que mon papa avait travaillé toute la nuit afin que les cercueils soient terminés à temps...
Depuis lors, des barrages ont été construits, le Gardon a été endigué, mais il n'en reste pas moins les épisodes cévenols qui, avec le réchauffement climatique, sont de plus en plus nombreux et virulents, faisant toujours des dégâts considérables, voire des victimes, là où ils se produisent...
Marie-Claude PONTON