Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par unipopviv

Dans la banlieue lyonnaise de mon enfance il y avait deux ‘’clusters’’ : les Espagnols et les Ardéchois qui étaient venus après-guerre travailler aux ateliers SNCF. Jean Ferrat chantait ‘’ils seront flics ou fonctionnaires ‘’...

Bien sûr, les liens se faisaient grâce aux enfants, l’école, les mariages etc. Mais une différence existait : les Espagnols avaient quitté leur pays sans espoir de retour, par contre les Ardéchois avaient gardé un pied dans leur Ardèche. Avec envie de revenir sur leurs terres.

Un copain de mon père s’était marié avec une Ardéchoise, Elise Degas,  venue à Lyon pour y être placée dans une famille bourgeoise. Donc, dès les grandes vacances, mon père embarquait dans sa camionnette de chantier, matériels, famille, enfants vers cet Eden ardéchois, un triangle dans la montagne et les collines entre Satillieu, Saint Symphorien de Mahun et Lalouvesc.

L’électricité venait tout juste d’arriver dans la maison d’Elise mais pas l’eau courante. Elle était tout près de la ferme de ses parents où sa mère et son père survivaient avec trois vaches, deux chèvres et quelques poules.

Mes parents étaient retournés à Lyon avec mes frères plus petits. Elise était très souvent à la ferme de ses parents pour aider aux travaux d’été. Et moi je restais avec Christian et Maryse, ses enfants,pour le reste de l’été. Nous avions douze, treize ans. Un de nos passe-temps était la radio Europe 1 en grandes ondes, la FM n’existait pas. Il ne fallait surtout pas rater « Salut les copains» à 17h.

Et les radios diffusaient aussi beaucoup de chanteurs français, Gilbert Bécaud, Jacques Brel,... Je me souviens avoir beaucoup aimé le rythme et la poésie de Georges Brassens.

J’ai su après que certaines chansons étaient interdites de radio, c’était encore l’époque du grand général !

Le matin on faisait semblant de faire des devoirs. Mais toutes les après-midi, on avait la liberté de faire ce que l’on voulait. Donc on partait pour de grandes balades à travers les forêts et les champs à vaches. Une de nos balades favorites était le hameau de Veyrines et son église. C’était une grande construction romane du XII° siècle avec, au sommet du clocher, un patio couvert qui surplombe la vallée. Mais l’église était abandonnée, vide, la porte défoncée, seul un grand autel en pierre subsistait.

 

Le mystère de l’abandon ? Une histoire de prêtre chassé par les habitants et poursuivi par les loups qui s’était réfugié à Lalouvesc… Je n’ai jamais su la vérité. Trois jeunes adolescents dans cette grande église, Christian, Maryse et moi, nous avions l'impression de faire quelque chose d’interdit, de profane en vadrouillant dans ce lieu. Cela nous fascinait. Nous avions même mis des fleurs sur l’autel. Une petite odeur de péché, comme dans la chanson de Georges Brassens. Dans un mur de cette église était encastrée une montée au clocher d’où nous avions une vue sur la vallée. La montée était dans le noir et très étroite, certainement difficile pour un adulte. Un jour, nous montions tous les trois en nous serrant et nous touchant et là j’ai profité du noir pour voler un petit baiser à Maryse, un tout petit bisou. Mais elle m’a laissé faire, les filles c’est comme ça... Encore la chanson de Georges Brassens ! J’ai le souvenir de m’être senti plein d’émoi et un peu bête sur le moment.

Quelques décennies après, je suis repassé pour voir l’église de Veyrines, elle était fermée, une association d’habitants l’avait reprise en main. Il fallait demander la clé. L’association a mis un livre d’or pour les commentaires des visiteurs et un de ceux-là proposait de modifier la montée au clocher qu’il jugeait trop étroite. Je me suis dit ‘’Quel imbécile ‘’ !...

Roland FERNANDEZ


 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article