Histoire totale de la seconde guerre mondiale
Lecture du mois Charles-Denis Lévy-Soussan
Histoire totale de la seconde guerre mondiale
Olivier WIEVIORKA
Éditions Perrin / Ministère des Armées (1068 pages)
On peut hésiter, sauf si l'on est historien de profession ou passionné de l'histoire de la seconde guerre mondiale, à plonger dans le "grand bain" de cet ouvrage de plus de mille pages (tout compris). Riche, dense, d'une fabuleuse érudition, il a demandé plusieurs années de travail à son auteur qui n'est pourtant pas un novice en ce domaine. Historien de profession, il a déjà écrit plusieurs livres sur cette période.
C'est donc avec une certaine appréhension que l'on se jette à l'eau, pour une traversée dont on se doute qu'elle sera longue, pénible, épuisante même peut-être, mais à coup sûr passionnante. Olivier Wieviorka se lance le défi de rassembler en une somme "totale" tous les aspects, politiques, militaires, idéologiques, économiques et sociaux de la Seconde guerre mondiale, et ce en embrassant tous les théâtres d'opérations qui, de près ou de loin, ont été touchés par cette déflagration. C'est dire si le champ est large et s'il faut être capable de le labourer en profondeur sans y perdre en subtilité.
"Pari tenu" peut-on dire en refermant l'ouvrage. Car l'auteur fait preuve d'un art du récit tout à fait excellent. Il nous plonge dans les évènements, le plus souvent tragiques, en nous les rendant si proches que l'on a l'impression de les vivre au plus près. Outre les aspects que nous croyons les mieux connaître, notamment ceux qui se sont déroulés en Europe, il nous fait découvrir (hormis si l'on est spécialiste de la question), la réalité quotidienne de la guerre Asie-Pacifique opposant anglo-américains et Chine d'une part, Empire japonais d'autre part. Il est capable de prendre suffisamment de recul pour nous permettre de comprendre les liens qui ont pu exister entre des réalités qui paraissent à un œil profane bien éloignées les unes des autres, tout comme il sait entrer dans le détail de descriptions qui nous font échapper au syndrome de Fabrice Del Dongo à Waterloo.
Ce serait d'ailleurs la seule réserve que l'on pourrait faire à ce livre, une description trop fournie (cartes à l'appui) des aspects militaires des différentes batailles dont ce conflit n'a, hélas, pas été avare. Il ne manque pas un blindé, pas un canon, pas un cuirassé, pas un mort, à ses différents décomptes. Le vertige vous prend devant des chiffres avec de tels ordres de grandeur. "Entre 1940 et 1945 [l'Amérique] ne fabriqua pas moins de 300 000 avions, 215 sous-marins et 147 porte-avions." ou "Enfin, les forces britanniques terrestres (2 700 000 hommes en septembre 1943) dépassaient à l'époque les effectifs américains (2 552 000 hommes au 31 décembre de la même année). Sans parler des décomptes macabres des morts, des blessés et des disparus de chaque bataille.
C'est dire si l'on sort "lessivé" d'une telle lecture. Lecture nécessaire pourtant car comme l'indique une citation de Camus dans "L'homme révolté" : "On estimera peut-être qu'une époque qui, en cinquante ans, déracine, asservit ou tue soixante-dix-millions d'êtres humains doit seulement, et d'abord, être jugée. Encore faut-il que sa culpabilité soit comprise". (Cité en quatrième de couverture)
Incontestablement l'ouvrage d'Olivier Wieviorka nous permet de la comprendre, ce qui incite à le lire malgré ses mille pages.