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Publié par Université Populaire du Vivarais

Allez les Verts !

 

 

   Sur cette photo : l’équipe de foot de Saint-Etienne, la grande, la très grande, la mythique : celle de 1974 qui a réalisé le doublé championnat et Coupe de France. Que des joueurs prestigieux qui resteront dans l’histoire de ce sport : Curkovic, Piazza, Rocheteau, Revelli, Lopez, Janvion, Larqué, Béretta…

 

   Et maintenant venons-en à Alain Jammet. Mais que vient donc faire dans ce couplet celui qui, selon ses dires, n’a jamais porté le moindre intérêt à ce jeu de ballon avec les pieds ? Rien, absolument rien ne laissait prévoir que la route de ces vedettes en culotte courte croise un jour celle de celui qui n’était pas encore président de quoi que ce soit. En ces temps-là (et encore aujourd’hui) « notre » Alain était bien incapable de citer le gardien de but ou l’avant-centre de quelque équipe que ce soit, fût-elle championne du monde.

 

   L’histoire se passe en début juin 1974. Alain est hospitalisé à Edouard Herriot, à Lyon, au pavillon 1 et partage sa chambre avec un certain Christian Sarramagna opéré comme lui du ménisque par le professeur Trillat, un ponte de la chirurgie de l’époque. Sarramagna ? Ce nom n’évoque absolument rien à notre Alain et pourtant c’est un champion qui a toute sa place sur la photo (au premier rang, le deuxième à partir de la gauche). C’est une star. Mais, bien sûr, notre non-footeux n’en a pas la moindre idée et ignore qu’il cohabite avec un sportif connu et admiré par des millions de gens.

 

   Jusque-là, ce récit de deux voisins de lits devenus des copains de convalescence n’a pas de quoi passionner les foules. Rien de plus banal, direz-vous. Mais lisez un peu la suite…

 

   Tout bascule dans l’après-midi du 10 Juin quand un événement inimaginable se produit. Une apparition miraculeuse. Un grand moment d’anthologie : voilà que plusieurs des joueurs présents sur la photo envahissent la chambre. Les héros viennent fêter avec leur ami leur victoire en finale de la Coupe de France remportée deux jours plus tôt. Petits fours, régalades en tous genres, champagne qui coule à flots. Il y a là, avec les joueurs, le professeur Trillat en nœud paps et un grand à l’épaisse chevelure rousse (Robert Herbin dit le Sphinx, l’entraîneur légendaire décédé l’an dernier et dont l’érection de la statue est prévue sur une place de Saint-Etienne courant 2023.)

 

   L’ambiance est à la fête. On rit, on sympathise, on entonne « allez les Verts », on trinque, on refait le match, on re retrinque et avant de partir, boosté par la bonne humeur générale, chacun se fait un plaisir d’écrire un petit mot, un autographe, de tracer un petit dessin sur le plâtre d’Alain qui n’en demande pas tant et qui, en réalité (la suite va le prouver) n’évalue pas l’importance de ces trésors de griffonnages généreusement offerts.

 

   Et c’est là que bientôt on verse dans la tragédie : le moment où le fameux plâtre tout décoré a été enlevé. Qu’en faire ? Alain a tout de suite le projet, vite abandonné, de le transformer en vases à fleurs. Puis, enfin, les idées venant à manquer, le plâtre est mis en pièces, fracassé, pulvérisé et envoyé à la poubelle. Oui, vous avez bien lu : mis en pièces, fracassé, pulvérisé et envoyé à la poubelle, un plâtre dédicacé par Rocheteau, Beretta et autres Verts de la grande époque des Verts ! Pure folie ! Massacre de chez massacre ! Horreur et damnation ! Pleurs irrépressibles et lamentations éternelles ! Alors là, on n’a pas du tout, du tout envie de lui dire bravo à notre bon Président qui d’habitude est beaucoup mieux inspiré.

 

   Devant la gravité des faits ici révélés il est sans doute nécessaire de préciser que ce texte est la transcription exacte du témoignage qu’Alain m’a fait un soir d’hiver, au coin du feu. Rien n’est inventé. Sans doute le besoin de vider son sac. Il est à craindre qu’un jour cette anecdote confessée tombe sous les yeux des responsables du musée des sports de Cruas, un des deux musées de ce type en France (l’autre étant celui de Nice.) Savoir qu’un plâtre aussi précieux ait existé et qu’il n’en reste rien : cela risque de leur fiche un drôle de coup, à eux qui sont sans cesse en quête d’objets historiques en relation avec le sport.

 

   Parmi les trois cents objets exposés, on imagine le plâtre moulé pour la jambe droite d’Alain et orné par les Verts. On le voit, dressé comme une statuette, attirant tous les regards, en pleine lumière entre un maillot de Bernard Hinaut et la pagaie de Tony Estanguet. Sur le socle, la légende dirait : « Œuvre des Verts de 1974 pour leur copain Alain Jammet. » Boudiou ! C’est sûr qu’on se précipiterait pour le photographier et en faire profiter les copains sur notre blog.

 

   Si l’espoir est nul de pouvoir contempler un jour la chose « en vrai », il nous reste le dessin pour atténuer un chouia notre frustration qui est et restera à jamais immense. Il est minable, bâclé le dessin, on le sait. Le plâtre, entre autres, est surdimensionné tant l’envie de le mettre en valeur était grande. Mais, impossible de faire mieux : quand le cœur n’y est pas, il n’y est pas. Rien à voir avec le cœur qu’on mettait à chanter « Allez, Qui c’est les plus forts ? Evidemment c’est les Verts. On a un bon public et les meilleurs supporters… On va gagner, ça c’est juré…allez, allez les Verts !»

 

C’était en 1974. Bientôt 50 ans de ça (cinquante !). Déjà 50 ? Eh oui.

 

Bernard Montérémal.

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M
Quel talent de conteur que ce Bernard !
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