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Publié par unipopviv

A Lamastre, un jour d’automne, au centre multimédia, un brillant conférencier nous parlait du loup, et particulièrement des loups en Ardèche. Pour l’écouter les étudiants de l’UPV étaient venus en grand nombre ; on avait ajouté des chaises, sur les côtés et au premier rang ; il y avait même des personnes debout, au fond de la salle, c’était au temps où l’on ne connaissait pas encore certains virus très contagieux.

Le sujet captivait l’assemblée, ces histoires de loups semblaient très proches de nous à la fois dans le temps, mais aussi dans ces lieux sauvages et boisés que nous aimons tous arpenter. A l’instant même où l’historien nous expliquait qu’en 2007, 16 brebis avaient été égorgées en Ardèche à Lesperon et 27 à la ferme de Dizonanche à Sainte-Eulalie par 3 attaques successives, un intrus se glissa par les portes largement ouvertes, entre les participants attentifs.

Une forme furtive, ébouriffée, fit son chemin entre les pieds de nos chaises. Etait- elle brune, était-elle grise ? Trois cris retentirent à l’unisson « un loup, un loup! Un lou-ou-ou-ou ! » et quelques personnes se ruèrent sur le côté de la salle, bousculant leurs voisins ! Mais non ce n’est qu’un chien ! Attrapez le ! Il faut le faire sortir. L’assemblée fut gagnée d’une grande agitation, certains sautaient et montaient sur les chaises, d’autres s’accroupissaient. L’émotion gagna rapidement tous les rangs. Un groupe se blottit autour de l’orateur, qui avait interrompu son propos, mais ne fit pas le moindre geste. Je crois me souvenir qu’il arborait un léger sourire. Le président prit le micro et lança : « Mes amis, s’il vous plait gardez votre calme, ce n’est qu’un chien errant, il va vite filer ». Arrivé devant le conférencier, l’animal effrayant montra ses crocs acérés, la gueule largement ouverte, puis il fit subitement volte-face et traversa à nouveau la salle, cette fois en direction de la sortie.

 

Ce jour-là, une amie, Cristina, m’avait, pour la première fois, accompagnée à l’UPV. Elle murmura « mais c’est quoi, cet animal ? Et qu’est-ce qu’il fait là ? Tu crois que c’est un loup ? ». Je tentai désespérément de me remémorer mes notes du début de la conférence : comment différencier le loup du chien? Les oreilles? La forme des pattes? La couleur du pelage? Simple canidé ou animal mythique? Pas évident, et la bête fuyante rendait toute observation impossible. Soudain, sans nous concerter, Cristina et moi avons discrètement pris la suite du chien divaguant ou du loup sauvage qui, effrayé par tous ces cris, rebroussait chemin. Nous voulions toutes les deux savoir!

La bête sortit très vite du bâtiment, et alla se terrer sous une voiture. Mon carnet dans une main, illusoire bouclier, je me penchai pour tenter de la voir. Mon amie tenait en mains un solide bâton, d’où sortait-il ? Notre présence semblait déranger le loup très agité, et il se glissa sur le côté, se mit à suivre la petite route, puis à courir le long de la voix ferrée du Mastrou. Et là, surprise ! Une locomotive à laquelle était attelé un wagon de voyageurs, fumait et pétaradait. Le loup fuyant ne fit qu’un bond et alla se terrer sous un banc, dans le wagon vide. D’un seul élan, nous le suivîmes. Cette fois, nous allons pouvoir l’observer! Il n’a plus d’échappatoire. Cristina dirigea la lumière de son téléphone portable sous la banquette et nous vîmes nettement briller deux yeux jaune vif fendus en oblique, l’animal, plus effrayé que nous était recroquevillé dans le recoin obscur du wagon. Absorbées par notre observation, nous ne nous sommes pas rendues compte que le train avait démarré.

Trop tard pour descendre ! Nous voilà embarquées malgré nous ! Nous hésitions entre rire et hurler, et la nuit qui commençait à tomber ! Le train roula un temps qui nous paru interminable, puis il hoqueta, et marqua un bref arrêt. Nous en avons profité pour descendre. Par chance le chemin qui longeait la voie nous mena très rapidement à la route départementale. Il ne nous restait plus qu’à regagner Lamastre à pied, mais à peine avions nous commencé à marcher le long de la route qu’une fourgonnette s’arrêta à notre hauteur et le conducteur nous interpella : « Les p'tits dames, ça n’est pas prudent de faire du stop à une heure pareille! Où allez vous comme ça ? ». Nous acceptâmes bien volontiers sa proposition de nous déposer à la gare. A peine installées dans son véhicule, il nous demanda « Mais qu’est ce qui a bien pu vous amener de nuit sur le bord de cette route déserte ? ». Avec Cristina, nous échangeâmes un rapide regard... ni l’une ni l’autre nous n’avons jugé opportun de lui relater nos récentes péripéties!

Françoise Coste-Luc

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