Conférence sur l'éthique scientifique
L'éthique scientifique
Le 5 Octobre 2019, Walid Abboud, professeur agrégé de sciences physiques, enseignant à l'Université Catholique de Lyon, et à l’université de Saint-Etienne nous a donné, avec pédagogie, des repères pour comprendre ce qu'est l'éthique scientifique, et quelles interrogations nombreuses et complexes, elle pose dans le monde contemporain des sciences, des techniques, et de l'économie internationale.
Définition : l'éthique peut être définie comme un ensemble de principes moraux, à la base de la conduite d’un individu. La morale se définit ici comme l'émanation de la culture d’une société, sa religion, son histoire. Si la société évolue, les principes moraux évoluent, l’éthique aussi.
1- Historiquement, l'éthique s'est appliquée en premier au domaine de la médecine (Hippocrate).
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En France, les grands débats d'éthique ont surgit au début des années 1980 avec les avancées de la médecine en matière de fécondation in vitro. C'est alors qu'a été créé le CCNE (Comité Consultatif National d’Éthique) dont le rôle est de confronter le possible et le souhaitable dans les domaines de l'éthique médicale, la biologie et la santé. Le CCNE a organisé les états généraux de la bioéthique; ses avis sont consultatifs, la réglementation appartient aux politiques.
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Au niveau Européen, le GEE, Groupe Européen d’Éthique, a été fondé en 1991 par la Commission Européenne. Il est chargé de conseiller la Commission sur les aspects éthiques de la science et des nouvelles technologies et a publié en 2012 la charte des droits fondamentaux de citoyens de l'UE.
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Au niveau International, le Comest: (Commission Mondiale d’Éthique des connaissances Scientifiques et des Technologies) créé par l’Unesco depuis 1998 énonce des principes éthiques susceptibles d’éclairer les débats des responsables politiques.
2- Les risques des nanotechnologies
Si les débats sont nombreux sur les sujets d'éthique médicale, on connaît moins les problématiques d’éthique posées par les nanotechnologies. Les nanotechnologies sont une nouvelle branche de la science, apparue dans les années 1970, qui étudie la matière au niveau de l'atome. Elles ont mis en évidence de nouvelles propriétés de la matière et elles ont fait naître des espoirs thérapeutiques mais aussi de nouveaux intérêts industriels. Il n'existe pas de réglementation en la matière, on ne fait pas d'études d'impact. Un exemple : l'utilisation du dioxyde de titane, notamment en alimentation. La CCNE a émis, en février 2007 plusieurs mises en garde, notamment :
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risque d'introduction subrepticement dans l’environnement et le corps humain
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utilisation contre la personne si reliées à des instruments de surveillance
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faible biodégradabilité : problèmes de pollution écologique et de toxicité humaine
Le Comest et le GEE ont émis des recommandations identiques en 2007.
3- Les risques liés au réchauffement climatique
L'existence du réchauffement climatique causé par les activités humaines est prise en compte au niveau international : Le G7 a créé, sous l’égide de l’ONU, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) dont les missions sont:
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Évaluer les informations scientifiques, pour comprendre les risques liés au changement climatique d’origine humaine
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Cerner les conséquences possibles de ce changement
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Envisager des stratégies d’adaptation et d’atténuation
Le GIEC comporte 3 groupes :
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G1 = principes physiques relatifs au changement climatique
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G2 = impact et conséquences
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G3 = moyens d’atténuer les changements climatiques.
Le GIEC a émis de nombreux avis : en 2014 il affirmait que l'activité humaine est fort probablement la cause du réchauffement global «niveau de certitude à 95%» (un taux en lien avec le principe de prudence des scientifiques).
Au plan éthique, le rapport du Comest émet des principes :
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Les solutions aux changements climatiques doivent s’adresser aux groupes les plus vulnérables
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La solidarité de tous les acteurs auprès des écosystèmes et plus largement du système Terre
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Les solutions aux changements climatiques doivent adopter des systèmes économiques écologiques qui favorisent des technologies à faible émission de carbone.
4- L'Éthique et l'Intelligence Artificielle
En 60 ans, les développements de l'IA sont gigantesques:
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Internet
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Moteurs de recherche
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Reconnaissance vocale
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Traduction automatique
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Utilisation dans les robots-Diagnostic médical
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Automatisme et régulation industriels
Mais aussi :
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Reconnaissance faciale
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Mega Big Data (photos Instagram et autres..)
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Destruction d’emplois
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Voiture autonome
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Robots tueurs
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Création de « fakenews »
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Armes «autonomes»
Monsieur Abboud expose les différents usages de l'IA, en les illustrant par des exemples, et également ses dérives qui sont nombreuses, et posent aussi la question de l'éthique. Les différentes mesures pour l'éthique en matière d'IA :
1- Le RGPD: L’Europe s’est dotée en 2016 du règlement général sur la protection des données,
des règles uniques applicables à l’ensemble des pays de l’Union avec application extraterritoriale
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Le consentement explicite des citoyens concernant leurs données: les cookies
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Le droit à l’effacement
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La portabilité des données
C'est un outil unique pour les pays industrialisés.
2- La résolution européenne robotique et intelligence artificielle: Suite au travail du groupe d’experts:
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Publication du rapport éthique et IA digne.
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Vote de la résolution du 12 février 2019: «Nécessité de mettre en place un cadre juridique pour l’intelligence artificielle et la robotique, reposant sur l’identification de principes éthiques.»«certains emplois seront remplacés, mais [...] de nouveaux emplois seront également créés, qui transformeront les vies et les pratiques professionnelles»
3- La déclaration de Montréal, émise par des chercheurs sur l’IA:
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Élaborer un cadre éthique pour le développement et le déploiement de l’IA
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Orienter la transition numérique afin que tous puissent bénéficier de cette révolution technologique
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Ouvrir un espace de dialogue national et international pour réussir collectivement un développement inclusif, équitable et écologiquement soutenable de l’IA
5- Conclusion
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La prise de conscience des risques induits par l'évolution rapide des sciences et des technologies nouvelles est récente.
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L’éthique est la conscience de ces limites: Qui doit fixer les limites? La création de mouvements citoyens pour réagir concrètement est-elle nécessaire, comme par exemple des comités d’éthique numérique?
Débat : un court débat a suivi, avec des questions notamment sur le réchauffement climatique, sur l'intelligence artificielle, sur la perspective d'un effondrement...
Monsieur Abboud a cité en réponse quelques notions supplémentaires :
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la certitude du rôle de l'activité humaine dans le réchauffement climatique (recherches scientifiques, mesures de températures, taux de CO2, preuves apportées par des études scientifiques sur les coquillages...)
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les dangers de l'IA qui peut être utilisée comme moyen de contrôle social...
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l'existence récente d'une théorie de l'effondrement, et les préconisations de décroissance...
et a terminé la conférence en nous donnant rendez-vous pour la prochaine conférence sur le biomimétisme.
Françoise Coste-Luc