Quelques souvenirs...
La page blanche c'est une fidèle amie que l'on ne dérange jamais, elle est toujours prête à recevoir,
dit Paulette ALLIER qui nous livre par écrit quelques souvenirs de sa prime enfance.
Je suis née en 1938, un an avant la déclaration de la 2ème Guerre Mondiale ; j'habitais alors avec mes parents dans un petit village de la Drôme, j'étais bien sûr très jeune mais dans les années 1943-1944 j'ai commencé à réaliser et j'ai été très perturbée par certaines situations ; je garde également le souvenir de ce qui m'a été raconté par mes parents.
Durant cette période nous avons connu un manque de liberté, même si cela ne s'appelait pas le confinement, puisque mon village et ceux qui étaient proches étaient en « zone occupée » car nous devions cohabiter avec les soldats allemands qui avaient installé des campements tout au long de cette vallée. Nous vivions sous la domination de l'ennemi avec la « Kommandantur », c'est-à-dire le poste de commandement où se trouvaient les autorités.
Mon père, facteur des PTT, devait tous les matins aller y chercher un laissez-passer qui lui donnait le droit de distribuer le courrier.
Bien sûr, nous n'avions pas de masque et on pouvait respirer librement... mais tous les rassemblements de plus de trois personnes dans les rues étaient interdits car les Allemands avaient peur qu'elles puissent préparer un complot. Dans le même ordre d'idées, il y avait le couvre-feu à partir de 20h00 avec l'interdiction de laisser la moindre lampe allumée dans les maisons afin d' éviter le plus possible que le maquis se réunisse pour préparer des projets d'attaque.
Quand le tocsin sonnait, le plus souvent la nuit, cela voulait dire que nous étions en alerte et qu'il fallait au plus vite quitter notre domicile car nous étions sous la menace d'une grave situation.
Avec des voisins, mon père avait construit un genre de souterrain dans une tranchée avec l'espoir d'être un peu protégés. Je me souviens des nuits où j'étais profondément endormie et que mes parents venaient me réveiller brusquement en n'ayant pas eu le temps d'enlever ma chemise de nuit pour m'habiller.
Dans ces années-là, la majorité des habitants de mon village étaient des petites gens, tous ouvriers dans les usines très nombreuses de cette vallée ; ils avaient peu de moyens financiers et donc beaucoup de difficultés pour se nourrir, eux et leurs enfants. De plus, la plupart des rayons des magasins d'alimentation étaient vides mais, comme dans toute crise, il y avait les profiteurs, ceux qui avaient des légumes à vendre, des œufs, des volailles, des lapins et autres marchandises mais qui profitaient de cette pénurie pour pratiquer le « marché noir », c'est-à-dire vendre tout très cher.
Seuls les riches pouvaient les payer.
Il y avait aussi les « cartes de ravitaillement »,attribuées à chaque famille en fonction du nombre d'enfants et de leur âge, que l'on devait utiliser avec des tickets pour acheter du pain, le peu de viande ou d'épicerie, des vêtements,...et ce jusqu'en décembre 1948 du fait de la situation de grande pénurie dans les années d'après-guerre.
Par contre, cette société habituée à lutter ne se plaignait pas de cette situation ni du manque de liberté. Les gens avaient d'autres sujets d'inquiétude comme celui de préserver leur vie et celle de leur famille. Nous subissions de violents bombardements qui causaient des morts. C'est ainsi que le petit village de Beaufort-sur-Gervanne fut détruit aux trois-quarts lors de l'une de ces attaques, sans oublier le Massif du Vercors dont mon village était proche. En effet, dans cette zone très boisée, les Allemands se doutaient que les forêts étaient des endroits où le maquis pouvait se cacher pour préparer des attaques. C'est ce qui a justifié l'acharnement de l'ennemi à bombarder cette région.
Mais le danger ne venait pas exclusivement de l'ennemi, il y avait aussi la délation de la part des « collabos », ces Français qui dénonçaient d'autres Français, parfois pour se venger de faits antérieurs à la guerre ou pour être appréciés des Allemands.
En 2020, tout n'est pas drôle non plus avec ce méchant virus baptisé « Covid » qui provoque beaucoup de misères, de perte de contacts humains mais aussi de souffrances pour ceux qui sont contaminés et qui gardent de graves séquelles s'ils s'en sortent.
Lorsqu'on a les moyens de se nourrir, de se chauffer, on n'a pas le droit de se plaindre. Nous pouvons aussi nous distraire grâce à la radio, à la télévision, au téléphone, à Internet, comme tout le monde ou presque.
J'apprécie beaucoup ce progrès mais je pense qu'il faudrait qu'il soit davantage humanisé. Dans les années 1940 la télé n'existait pas. Quant à la radio et au téléphone, ils étaient peu nombreux les Français qui en possédaient.
Bien sûr, il y a les livres mais c'est parfois difficile de s'en procurer à l'heure actuelle quand les librairies sont fermées et puis un livre c'est cher pour certains.
Pour compléter ma petite histoire, je peux signaler que mes parents ont acheté la radio quand j'ai réussi mon BEPC..
Pour ma part, j'essaie de me distraire en m'adonnant beaucoup à la lecture. Je remercie mes parents qui ont toujours essayé, suivant leurs moyens, de favoriser mon désir de lire ce qui me permet de terminer mon propos par ce proverbe :
« Ne pas aimer lire, c'est n'être que soi »
Paulette ALLIER
Consultez la pièce jointe, copie des documents témoins de cette période historique :
copie de documents d'époque joints à son texte par Paulette